Forêts : le monde d’après ressemble furieusement à celui d’hier

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Forêts : le monde d’après ressemble furieusement à celui d’hier

Je suis extrêmement déçu du vote d’aujourd’hui en commission ITRE (Commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie), où nous votions trois opinions différentes : une sur la stratégie forestière de l’Union européenne après 2020 et deux sur la déforestation mondiale.
La pandémie du Covid19 révèle plus que jamais l’importance des arbres pour préserver la biodiversité, limiter les contacts avec les animaux sauvages et améliorer le stockage du carbone… Mais ce vote fut une nouvelle occasion manquée de protéger nos forêts comme l’humanité qui en dépend.

Nous avions pourtant une bonne base de travail pour ces trois opinions.
Dès novembre, à l’initiative de Mathilde Panot et de Gaspard d’Allens (auteur de « Main basse sur nos forêts »), et avec l’association Canopée, l’ONF et d’autres, la France insoumise a lancé une commission d’enquête pour protéger ce bien commun que sont les forêts. Ce travail, qui vise à ouvrir le débat sur les forêts aux citoyens, se poursuit.

D’autre part, dans sa résolution sur la COP15, le Parlement européen demandait à la Commission de « s’écarter des engagements volontaires et de fixer des objectifs juridiquement contraignants pour l’Union pour parvenir à au moins 30 % d’espaces terrestres et marins protégés ».
Et dans sa résolution sur le Pacte Vert (Green Deal), le Parlement demandait également de « présenter sans attendre une proposition de cadre juridique européen fondé sur des obligations de diligence visant à garantir des chaînes d’approvisionnement durables et sans déforestation ».

Malgré tout cela, les négociations ont été extraordinairement difficiles… Le PPE (le groupe de LR) ne voulait rien entendre et semble vouloir continuer à dépecer la planète, nouveau “capital naturel”.

Mes propositions s’articulaient autour de trois solutions clefs : la diversification des essences, la promotion d’une filière bois éco-responsable ainsi que la rupture avec les accords de libre-échange, acteurs coupables de déforestation. Il faut rappeler qu’en pleine pandémie de Covid19, le Conseil ratifiait l’accord de libre-échange avec le Vietnam, grand exportateur de bois, dans la foulée du vote du Parlement européen que nous avions dénoncé. Or tous ces accords de libre-échange augmentent la production et l’importation de soja, de viande bovine, d’huile de palme, etc. qui ont besoin de nombreux hectares déboisés au Brésil et ailleurs.

Au final, le PPE a passé aux oubliettes les demandes du Parlement européen pour protéger, restaurer et développer nos poumons verts.
J’ai néanmoins réussi à faire accepter quelques amendements. Ainsi mes amendements sur le développement d’une filière éco-responsable, la promotion du bois dans le BTP ou encore l’utilisation des chutes de bois pour créer de nouveaux produits ont été partiellement repris et adoptés.
Je regrette cependant que l’avis adopté considère les forêts uniquement comme une source de matière première renouvelable. Car encore faudrait-il lui laisser le temps de se régénérer ! On aurait pu commencer par cesser les coupes rases comme je le proposais.

Une politique forestière responsable et durable ne peut aller à rebours des engagements sur le « Pacte vert ». Nous avions proposé avec mon collègue François Alfonsi de renforcer les engagements sur la biodiversité. Sans succès.

Enfin, et peut-être surtout, le PPE a fait tomber ma proposition de devoir de vigilance (due diligence en anglais) lors des compromis, pour le noyer dans un gloubi-boulga…
Ce devoir de vigilance était très important : il s’agissait de rendre légalement responsables les entreprises européennes qui se rendent coupables de déforestation sur l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement, de leurs sous-traitants et de leurs investissements.
Je regrette vivement le manque de courage du rapporteur Mauri Pekkarinen (Renaissance – le groupe de LREM), pour ce texte qui était d’initiative législative : c’est-à-dire que la Commission européenne est dans l’obligation de proposer un cadre juridique pour enrayer la déforestation dont l’Union européenne est responsable à l’échelle mondiale selon les lignes du texte voté par le Parlement.

Le résultat de ces votes, c’est finalement un texte sans ambition, en-dessous de ce que le Parlement demandait il y a à peine 5 mois, dans sa résolution pour le Pacte vert européen… Un petit label “sans déforestation” pour les consommateurs européens ne suffira pas à lutter contre la déforestation.
La seule bonne nouvelle, c’est que nous avons su préserver ce devoir de vigilance dans l’autre avis sur le rapport de la commission Environnement sur l’action de l’UE pour la protection et restauration des forêts. C’est le seul texte des trois que j’ai approuvé. Malheureusement, celui-ci n’est qu’un rapport d’initiative ; en d’autres termes, la Commission européenne peut royalement l’ignorer.