Ordonnances Macron : un cadeau aux multinationales

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Ordonnances Macron : un cadeau aux multinationales

Première initiative contre les ordonnances Macron, les manifestations du mardi 12 septembre ont été un beau succès. Elles constituent un point d’appui très encourageant pour faire grandir la mobilisation. Une nouvelle date de grèves et de manifestations est prévue à l’appel des organisation syndicales le 21 septembre, et la France insoumise a pris l’initiative de proposer une marche contre le coup d’état social le samedi 23 septembre à Paris.

Pour élargir la mobilisation, les prochains jours doivent permettre d’expliquer le contenu de la réforme. La France insoumise a d’ores et déjà produit un tract explicatif qui détaille les conséquences de ces ordonnances dans la vie quotidienne des français. La CGT et les autres organisations syndicales ont également publié des analyses des ordonnances. Inversion de la hiérarchie des normes, introduction du contrat de chantier, barémisation des indemnités prud’hommales, voilà autant de mesures nocives qu’il convient de faire connaître.

L’une d’entre elles dévoile les véritables bénéficiaires de ces ordonnances. Ainsi, dans l’article « 18 » de la troisième ordonnance, on peut lire : « Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude ».

Il s’agit d’une copie quasi-conforme d’un article qui avait été introduit dans l’avant-projet de loi El Khomri (article 30). C’est surtout une exigence de longue date de l’Association française des entreprises privées (AFEP) qui réunit la presque totalité des entreprises françaises côtés au CAC40. En 2013, elle revendique 104 adhérents, 1700 milliards d’euros de chiffre d’affaire et près de 7 millions de salariés dans le monde. Dans une interview au journal « Les Echos » le 16 février 2016, son président, Pierre Pringuet, faisait ainsi un vibrant plaidoyer pour l’assouplissement des règles de licenciements économiques et qualifiait d’« absurde » le fait qu’on interdise des restructurations si « les pertes en France sont compensées par des gains à l’étranger ».

On est bien loin, ici, du soi-disant soutien aux petites et moyennes entreprise qui constitue le cœur de la communication du régime. Comme d’habitude, les grandes multinationales se cachent derrière les difficultés des petites entreprises pour augmenter encore leur part du gâteau. Ainsi, leur vœu exaucé, il deviendrait possible pour un grand groupe de faire évaluer les critères de licenciements économiques uniquement au niveau des entreprises implantées en France, et non plus au niveau du groupe dans son ensemble. Il serait alors très facile de maquiller des licenciements abusifs en licenciements économiques, en organisant la bonne répartition des activités entre les différentes filiales d’un même groupe.

De tels maquillages sont déjà activement utilisés par les grands groupes à des fins d’optimisation fiscale. Récemment, un rapport d’eurodéputés verts au Parlement Européen a par exemple mis en valeur les stratégies fiscales de l’entreprise Ikea. En implantant une filiale aux Pays-Bas et en lui permettant de percevoir une redevance de chaque magasin de la marque, Ikea extrait une grande partie des bénéfices de la fiscalité des pays dans lesquels sont implantés ces magasins. Le rapport estime les pertes fiscales pour l’année 2014 à près de 24 millions d’euros pour la France.

En permettant de vérifier, au niveau national, la validité d’un licenciement économique, le gouvernement ouvre la voie à des stratégies similaires afin de réduire le coût des licenciements. Il suffirait pour cela d’organiser une diminution du chiffre d’affaires de sa filiale française pour créer de toutes pièces une situation de difficulté économique justifiant un plan social.

Ce dispositif est particulièrement honteux quand on sait que plusieurs procédures de licenciements économiques ont été invalidées ces dernières années au motif que l’examen de la situation du groupe dans son ensemble ne révélait pas de difficultés économiques.

  • En mars 2009, le groupe Continental décide de la fermeture de l’usine de Clairoix (Oise), laissant plus de 1000 salariés sur le carreau. Malgré 17 millions d’euros de bénéfice, il invoque un licenciement économique. Dès lors, 678 salariés attaquent Continental en justice pour contester ce motif. Saisi du dossier, le tribunal des prud’hommes de Compiègne, le tribunal administratif, la Cour d’appel d’Amiens ou celle de Douai ont invalidé cette justification « au regard de la situation et des résultats d’ensemble du groupe de dimension mondiale Continental ». En juillet 2016, la Cour de cassation a confirmé que les contrats des salariés avaient été rompus « sans cause réelle ni sérieuse ».
  • De même, le conseil des prud’hommes de Toulouse a jugé en 2014 que le licenciement économique qui a frappé 283 employés de l’entreprise Molex en 2009 était sans cause réelle et sérieuse. Il a condamné le groupe à verser une indemnisation d’environ 15 millions d’euros. Cette décision a confirmé celle du tribunal administratif de Toulouse qui avait estimé « qu’une multinationale comme l’américain Molex ne peut justifier des licenciements économiques sur l’un de ses sites français en se fondant seulement sur la rentabilité de ce site, alors que le reste de la branche à l’international n’est pas en difficulté ».

Bien sûr, ces décisions judiciaires ne rendront pas leurs emplois à ces salariés. Les indemnisations reçues, si elles le sont, ne seront sans aucun doute pas à la hauteur des souffrances endurées et des vies brisées. Mais ces jugements ont prouvé que ces entreprises avaient enfreint la loi et ont rétabli la dignité de salariés injustement licenciés. Avec les ordonnances Macron, il ne sera plus possible de contester des licenciements abusifs en raison de la bonne santé financière d’un groupe dans son ensemble.

C’est là une insulte de plus à ces salariés qui ont lutté pendant de nombreuses années dans les arcanes de la machine judiciaire. C’est là un cadeau de plus pour des grands groupes qui font primer la rentabilité sur le bien vivre des populations. C’est là une raison de plus de faire grandir la mobilisation pour faire plier le pouvoir.

2 commentaires

  1. Je travaille pour le groupe … Bip … Qui est un operateur de telecom anglais dont on terra le nom pour ne pas prendre la porte, et qui par le jeu des prix de tranferts (je facture cher a la france et je lui achette ses presta en monaie de singe) met depuis des années les benef de la filiale francaise dans le rouge : pas d’augmentations, pas de participation, toujours plus de restrictions … Et demain un tapis rouge pour licencier a moindre frais … Merci gros C.. De macron

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