AGRICULTURE BIOLOGIQUE : MACRON NOUS MET EN RETARD !

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AGRICULTURE BIOLOGIQUE : MACRON NOUS MET EN RETARD !

Alors que la Commission européenne dévoile aujourd’hui son nouveau plan d’action pour l’agriculture biologique, un constat s’impose : Macron nous met en retard.

Avec 8,5 % de sa surface agricole en agriculture biologique selon l’Agence Bio (7,72% selon Eurostat), la France est juste en-dessous de la moyenne européenne, à la traîne derrière 15 pays de l’UE et loin derrière l’Autriche (25  %) qui montre que l’on peut faire beaucoup mieux. Les chiffres sont têtus : Macron a échoué a soutenir l’essor de l’agriculture biologique.

Y compris au regard de ses ambitions, pourtant modestes, il est en échec. Son plan « Ambition Bio » visait à atteindre 15 % de surfaces agricoles en agriculture biologique en 2022. Tout indique que cet objectif ne sera pas atteint et que nous pourrions tout au plus arriver laborieusement à 12 % à la même date. Et ce retard traîne depuis des années. Le Grenelle de l’environnement de 2008 visait les 15% de surfaces en bio dès 2013 ! La France va une nouvelle fois manquer sa cible.

Cela n’est pas étonnant. La France consacre moins de 3 % des 10 milliards du budget annuel français de la Politique agricole commune – le levier essentiel de la bifurcation agro-écologique – à la conversion à l’agriculture bio (260 millions/an). Dès son arrivée en 2017, le gouvernement a aussi décider de supprimer les aides au maintien à l’agriculture biologique. Le gouvernement continue de privilégier massivement les aides « à l’hectare » qui favorisent l’agrandissement indistinctement du type de production. Et de soutenir une dérégulation des prix qui bride les marges de manœuvre des agriculteurs.

Depuis 2018, dans le cadre de négociations interminables qui n’ont toujours pas abouti, la Politique agricole commune est en cours de réforme. Mais cela ne va pas dans le bon sens : les négociateurs, le Parlement européen et le Conseil des ministres de l’Agriculture de l’UE foncent droit dans le mur. Ceux-ci se retrouvent d’ailleurs ce vendredi 26 mars pour un « super-trilogue » (une « super » séance de négociation). A la veille de ce moment charnière, les ONGs ont réitéré leur très grave inquiétude alors que dans le même temps, près de 160 000 personnes se sont mobilisées pour exiger que le projet de réforme soit retiré et que les négociations repartent à 0 sur la base d’une nouvelle proposition radicalement différente.

La délégation France insoumise et notre groupe de La Gauche au Parlement européen avaient déposé plus de 150 amendements en octobre lors du vote sur la réforme en plénière du Parlement européen pour tenter de sauver ce qui pouvait l’être – et notamment pour soutenir l’agriculture biologique. Celle-ci était en effet la grande oubliée de la proposition originale de réforme de la Commission européenne qui ne lui avait garanti aucun budget propre. Mais même des garanties modestes ont alors été rejetées, comme le fait de s’assurer que le budget consacré à l’agriculture biologique dans la nouvelle PAC soit nécessairement supérieur à celui existant dans la PAC actuelle. Notre amendement en ce sens avait été rejeté à 8 voix près.

Nous avons néanmoins réussi à obtenir quelques victoires au Parlement européen : notamment le fait que les Etats doivent fixer des objectifs visant à accroître la part des terres agricoles en agriculture biologique et veiller à ce que les budgets alloués correspondent à la croissance attendue de la production biologique (amendement 811). Mais les ministres de l’agriculture de l’UE, arc-boutés sur la défense du statu quo font un travail acharné pour saboter ces quelques progrès dans les négociations qui se déroulent actuellement.

En France, on peut tout de même espérer que la future PAC soit marquée par une progression du soutien à l’agriculture biologique. Mais dans le même mouvement, le Ministère de l’agriculture sabote le développement du bio en promouvant un autre label arnaque – le label Haute valeur environnementale (HVE) –, décrit comme un cheval de troie du greenwashing. Une récente étude de l’IDDRI confirme cette inquiétude. Et pourtant, le plan de relance français « France Relance » consacre même davantage d’argent au label HVE qu’à l’agriculture biologique !

Un nouveau plan d’action européen

C’est dans ce contexte qu’arrive le nouveau plan d’action pour l’agriculture biologique de la Commission européenne qui vise à atteindre l’objectif qu’elle s’est fixée dans la stratégie de la Ferme à la Table : 25 % des surfaces agricoles totales de l’UE en agriculture biologique en 2030.

Avec cet objectif, la Commission adopte une approche très frileuse qui ne nous satisfait pas. De nombreux travaux permettent d’envisager d’aller beaucoup plus loin, jusqu’à 100%. Cette autre étude par exemple, modélise comment l’agriculture européenne pourrait fonctionner en généralisant les principes de l’agriculture biologique – notamment la suppression des pesticides et des engrais chimiques.

S’il demeure modeste, l’objectif de 25 % soutenu par la Commission donne le bon cap car il dit au moins une chose : on accélère sur le bio. En effet, la tendance naturelle actuelle ne nous amènerait qu’à 15 % de surface en bio en 2030. Et il est fondamental d’accélérer car nous faisons face à une urgence climatique, environnementale, sanitaire et sociale. L’agriculture biologique permet d’y répondre. Pour contribuer à comprendre comment, ce fascicule du FIBL (Institut de recherche de l’agriculture biologique) propose 100 arguments en faveur de l’agriculture biologique. Il ne s’agit pas de dire que le label bio ne puisse pas encore être amélioré. Ni qu’on ne puisse pas avoir de bonnes pratiques sans être labellisé. Ni qu’il n’y ait pas lieu de débattre et de travailler encore nos perspectives agricoles. Mais l’agriculture biologique est la direction à prendre, rapidement. Et Macron nous met en retard.

Parce qu’il propose d’accélérer, l’objectif de 25% de surfaces en bio en 2030 fait déjà l’objet de très fortes oppositions. Le lobbying souterrain du Copa-Cogeca – principal lobby de l’agriculture industrielle – sur la stratégie de la Ferme à la Table en témoigne. Mais au-delà de l’objectif, le nouveau plan d’action que nous présente aujourd’hui la Commission permettra-t-il de le réaliser les ambitions affichées ? Rien n’est moins sûr.

Le plan liste une série de 23 actions bienvenues : favoriser l’agriculture biologique dans les marchés publics, dans les politiques de promotion des produits agro-alimentaires, dans les budgets de la recherche, superviser les stratégies des Etats membres dans le cadre de la PAC afin qu’elles contribuent à l’objectif… Ce sont des axes de travail importants. Mais à première vue, comme trop souvent, le plan de la Commission manque cruellement d’objectifs chiffrés et de moyens significatifs. Il semble y avoir loin de la communication rutilante à la réalité.

Avec Nous sommes pour et Jean-Luc Mélenchon, en 2022, nous proposons une perspective pour combler cet écart : l’Avenir en commun. C’est notre plan d’action pour l’agriculture biologique.