Retour sur un procès politique

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Retour sur un procès politique

Après un peu de repos, il est temps pour moi de remercier toutes celles et tous ceux qui nous ont manifesté pendant ces deux jours leur sympathie. Ceux qui étaient présents sur place bien sûr, mais aussi, plus largement, ceux qui nous accompagnaient à distance et qui étaient avec nous par la pensée.

Parlant d’eux avec mépris, le procureur de la République a voulu, dans sa réquisition, les exclure de l’intérêt général. Il prétendit ainsi parler « au nom de 67 millions de personne, moins 100 », raillant « les supporters » qui se rassemblaient sur le parvis. Terrible phrase. Non, monsieur le Procureur, l’intérêt général que vous êtes censé représenter ne nous exclue pas. Ceux qui sont venus ce jour-là, sacrifiant ici une journée de travail ou un moment en famille, en défendent une haute idée. Une idée de la justice qui reste à sa place et ne devient pas une arme politique. Une idée du respect des oppositions et du pluralisme. Une idée de la démocratie tout simplement, et de la défense des libertés publiques.

Nous sommes entrés la tête haute dans ce tribunal. Nous en sommes ressortis avec fierté, avec le sentiment de porter sur nos épaules privilégiées un peu de l’honneur de ces anonymes victimes des persécutions judiciaires : gilets jaunes comme décrocheurs de portrait, militants contre le mal logement ou arracheurs d’OGM.

Il régnait pendant ces deux jours un sentiment de malaise. Personne n’était à sa place dans cette salle d’audience. Ni les militants politiques que nous sommes. Ni les policiers de l’office contre la corruption et la fraude fiscale, devenant des chasseurs d’honnêtes gens dans un scénario écrit par d’autres. La disproportion évidente des perquisitions comme des poursuites qui ont suivies éclatait au grand jour. Les parties civiles dénonçaient l’impact d’une exposition médiatique totalement folle. Leurs préjudices étaient réels. Mais les responsables n’étaient pas sur le banc des accusés : ils continuaient leur sale besogne sur les chaînes d’information en continu.

Demandant dès l’ouverture le report du procès, le ministère public avouait sa dimension politique. Et lorsqu’il déclara que « nous aurions pu remplir toute une salle d’audience de prévenus », il donna à cet événement sa véritable signification : c’était bien la France insoumise, et pas seulement 6 d’entre nous, qui était convoquée à la barre.

Revenant sur sa déclaration, une policière rompait la belle histoire des gentils et des méchants. Dupont-Moretti, pas à la hauteur du moment, perdait son sang froid. Maître Saint-Pierre sauvait l’honneur, hissant sa plaidoirie au niveau où elle devait être, là ou se nouent des liens trop étroits entre la politique et la justice. Les images, les images, plaidaient les avocats des parties civiles, voulant réduire la justice à un simple algorithme d’analyse d’images là où elle se doit au contraire d’examiner la dynamique des situations. Le procès devenait une allégorie du macronisme, là où la froideur des règles l’emporte sur la prise en compte de l’humain, de ses souffrances et de ses émotions. Il se résumait finalement à cette question : la colère est-elle devenue un délit ?

Malgré un réquisitoire à charge, le procureur fuyait sa responsabilité en renonçant à l’inéligibilité, demandant au maximum 3 mois avec sursis après nous avoir poursuivi sur la base de délits passifs de 10 ans de prison ferme. Brillants, nos avocats démontaient pièce par pièce l’accusation. Tout y passa : le non respect des règles les plus élémentaires de la procédure judiciaire, l’imprécision des poursuites, le ridicule de la sélection des prévenus, l’absence totale de préparation sérieuse d’une opération de perquisition chez le principal mouvement politique d’opposition, la multiplication des ordres et des contre-ordres ce jour-là et l’incapacité des magistrats présents sur place à dialoguer et à expliquer.

Puis mon avocate Jade Dousselin dans une plaidoirie magnifique remis le monde sur sa tête. Les bancs des militants politiques sont ceux des assemblées, pas ceux des tribunaux. Les parvis que nous occupons sont ceux des manifestations, pas ceux des palais de justice. Et notre salive ne doit pas être gaspillée à la barre mais doit servir tout entière à porter la voix du peuple. Parce que nous sommes justes des militants politiques, pas des criminels.